Bribes de livres, maux d'être...

          Lambeaux (de Charles Juliet)

            Chaque matin, alors qu’il fait grand nuit, tu dois affronter la pénible séance du lever :t’arracher à la tiédeur des draps, subir l’agression du froid, enfiler des vêtements glacés, rester assise sans pouvoir vaincre ton inertie, entamer une journée dont tu ne sais si tu atteindras le soir, et au long des heures, puiser dans ta volonté le courage de tenir alors que tu n’as plus aucune énergie, que tu aspires seulement à t’entendre, te reposer, à dormir sans jamais avoir à te réveiller.

            Dans la famille, nul n’a reçu la moindre confidence. Le père ne te parle plus, la mère est quasiment muette et ne communique avec toi que par des regards. Quant aux sœurs, elles ne plaisantent plus en ta présence, et lorsqu’elle s’adressent à toi, c’est avec retenue, gravité, sur un ton qui te convainc qu’elles compatissent, sont désolées de ne pouvoir te venir en aide.

            Tu es sensible à ce que tous, ils aient compris d’instinct que tu es en danger, qu’ils ont à prendre certaines précautions, te témoigner ces égards qu’on a pour un grand malade.

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